Torres del Paine – le cycle de l’O

Ce Noël nous avons décidé d’aller au bout du monde, non pas du côté des rennes et du père Noël mais de l’autre côté, en Patagonie. La mythique Patagonie, terre d’aventures et de légendes. Elle en laisse rêveurs plus d’uns. C’était notre cas. Mais ça c’était avant. Avant d’avoir mis un pied sur ces contrées lointaines. Avant d’avoir passé quinze jours sous la pluie, dans le vent et le froid. L’été est bien la meilleure période pour visiter la Patagonie car le climat y est le plus agréable (enfin le « moins pire »). Mais globalement le climat est rude toute l’année. Quelle idée saugrenue ont eu les espagnols que de quitter la chaude et douce Espagne pour s’installer dans ces terres hostiles !! Découvrir une nouvelle route commerciale pourquoi pas, mais de là à s’installer dans ce coin de pays …
Je le concède, quelle idée saugrenue d’aller au bout du bout du Chili chercher des conditions hivernales alors que le reste du pays jouit d’un bel et chaud été ? En partant du postulat que les belles choses se méritent, définitivement, la Patagonie offre une nature assez exceptionnelle.

A commencer par le parc national Torres del Paine qui s’explore en une semaine de trek. Une alternance d’immenses steppes, traversées par de grands bras de rivière, de splendides forêts, des montagnes aux reliefs découpés, des lacs offrant tous les dégradés de bleu, ainsi que d’étonnants glaciers. Les paysages sont d’une grande beauté et diversité.

Après avoir rejoint Puerto Natales par un bon enchaînement avion + bus, passé une nuit à imprégner de l’ambiance de Puerto Natales, nous voici partis au petit matin en direction de Torres del Paine (tout là-bas, où le ciel est tout noir). La journée commence par un vrai pèlerinage avant de pouvoir rentrer dans le parc. Une queue immense (les 5 bus du matin) se forme pour passer les formalités d’entrée : décliner son pedigree et être informé des règles dans le parc (le plus simple est de retenir qu’à l’exception du droit de marcher sur les sentiers et de dormir sur son emplacement de camping, toute autre chose est prohibée). L’organisation est toutefois bien rodée et nous finissons par recevoir notre précieux sésame : le droit d’entrée.

Et c’est parti pour l’aventure ! La grande, une boucle sur le circuit O.

Jour 1 : Il pleut, il mouille, ….
20km, 430m D+, 340m D-, 5h

10h, départ pour 7,5 km de piste jusqu’au début du sentier partant du camping de l’Hostellerie Las Torres. Le plafond nuageux est bas et les couleurs sont ternes. Le soleil ne semble cependant pas loin. Nous croyons à sa venue ! C’est l’enthousiasme du départ. Mais au bout d’une demi-heure de marche, la pluie arrive. Fine et intermittente nous espérons toujours le retour du soleil. Au bout d’une heure de marche, elle s’intensifie et nous comprenons que nous ne reverrons pas le soleil de si tôt. Pas le choix, la tête rentrée sous les capuches nous avançons ! Le sentier est devenu rivière. Un caillou d’un côté, un cailloux de l’autre côté, et hop un tronc d’arbre glissant, un saut de rivière puis un autre passage à gué. Il faut manœuvrer habilement. Le premier qui glisse a perdu ! Nous devinons de beaux paysages mais, plongés dans le brouillard, nous n’en profitons pas pleinement. Nous avançons à un bon rythme mais la marche sous la pluie battante commence à être longue. Le sous-bois qui n’en finit plus puis les grandes prairies. Nous sommes trempés.

A 16h, nous découvrons enfin notre campamiento du soir, le campamiento Seron. Reste à trouver l’endroit le moins pire pour planter la tente. Nous ne sommes pas seuls. Les arbres sont déjà occupés. Dommage. Nous finissons par trouver un petit coin. Le challenge : ne pas mouiller nos affaires de rechange, nos duvets ni la tente. Ahhh une bonne douche chaude. Des affaires sèches. Quel bonheur ! Il est possible de s’abriter sous un auvent du refuge gardé. L’espace est cependant largement sous-dimensionné au regard du nombre de personnes. Nous nous entassons là, ce qui permet d’être au sec mais n’empêche pas l’humidité de se faire sentir. Vers 19h, le gardien du refuge nous propose de venir au chaud 45 min. Nous nous entassons autour du poêle. Quelle chaleur réconfortante !! Des pains appétissants cuisent dans le four. Ils donnent l’eau à la bouche. Mais ce n’est pas pour nous. Nous nous contenterons d’un rapide repas simple (qui n’a failli jamais arrivé pour cause d’une bouteille de gaz défectueuse) avant de filer sous le duvet nous remettre de cette 1ère journée.


Jour 2 : … c’est la fête à la grenouille
30km, 870m D+, 460m D-, 9h

6h, il pleut toujours. La pluie n’a pas cessé de la nuit. Et pas une petite pluie fine, une grosse pluie. Il faut trouver la motivation pour remettre ses affaires trempées de la veille. L’imperméable de Pierre a bien résisté. Le mien, moins bien. Un grand plaisir que de commencer la journée mouillé de la tête aux pieds. En revanche, challenge réussi, la tente n’a pas pris l’eau !
Nous sommes les premiers levés. Nous terminons notre petit-déjeuner sous l’auvent lorsque le gardien nous propose de venir au chaud. Nous n’hésitons pas longtemps. Cette surprise met de bonne humeur. Il nous offre thé, café et pain fait de la veille. Une faveur pour les premiers levés. Un délice !
7h30, nous pouvons commencer la journée sous la pluie mais ragaillardis. Une longue étape nous attend, 30 km. Pierre m’a prêté sa cape de pluie. J’ai une splendide tenue mais au moins je serai plus au sec que la veille. Selon les gens du coin, il va pleuvoir toute la semaine, une histoire de changement de lune. Nous ne voulons pas y croire. Nous n’en sommes qu’au début !

Une petite éclaircie se montre et nous permet de découvrir de beaux paysages : des grandes plaines traversées par plusieurs bras de larges rivières. C’est splendide.
Elle sera de courte durée puisque nous passons “les gardes barrières” à 10h00 sous la pluie. Il faut montrer patte blanche au campamiento Coiron, à savoir sa réservation pour le prochain hébergement. Des restrictions ont en effet été instaurées depuis cette année car le parc était devenu sur-fréquenté, contaminant tous les cours d’eau potables.
Nous continuons notre chemin, traversons de grandes prairies fleuries. La pluie finie par cesser en fin de matinée et le soleil fait son apparition. Nous en profitons pour faire la pause de midi sur un point haut. Nous avons une vue imprenable sur le refuge Dickson avec, autour, glaciers et icebergs. De jolis oiseaux ressemblant à des perruches nous accompagnent.
Un bon bout de route nous attend jusqu’à notre étape du soir. Ce sera une longue et sinueuse traversée de forêt. Elle est magnifique avec sa mousse, ses lichens et sa rivière de montagne qui la traverse. Nous passons sans cesse d’un côté et de l’autre sur de charmants petits ponts de bois. Après un interminable périple dans le sous-bois, nous sortons de la forêt. De jolis arbustes fleuris sur fond de glaciers nous accueillent pour la montée finale, celle qu’on attendait. Plutôt sympa !

A 17h, nous arrivons au lago Los Perros, dominé par un impressionnant glacier du même nom. Les séracs tombent presque dans le lac. La fin de la journée approche. La pluie revient. Nous arrivons enfin au campamiento Los Perros, assez sommaire. L’espace hors d’eau est bien plus grand mais le poêle dont on nous avait parlé (et dont nous rêvions) est hors d’usage. Quelle déception. Déception également, les douches sont froides. Heureusement nous avons une bonne bouteille de vin pour se réchauffer/réconforter.
20h30 : au chaud sous le duvet, extinction des feux.


Jour 3 : la gadoue, la gadoue, la gadoue, …
15,6km, 880m D+, 1400m D-, 7h30

5h30 : réveil matinal, c’est LE jour du franchissement du col Garter. LE passage difficile du trek. Vue de loin ça ne nous paraissait pas la fin du monde mais suite à ce que l’un à pu entendre à gauche et à droite, nous commençons à douter. Toujours est-il qu’il a plu toute la nuit et qu’il pleut encore. Encore une journée à remettre des vêtements humides. La tente est toujours sèche à l’intérieur. Victoire !
7h, départ pour aller en découdre avec le col. Si on y arrive … la première partie du chemin (si l’appellation de chemin est toujours correcte) est un sacré chaos. Lorsque ce n’est pas un ruisseau, c’est un champ de boue grasse et profonde. Il faut faire preuve d’habileté pour sauter d’endroits praticables en endroits praticables (accotements, racines, branches). La progression n’est pas aisée. A 8h, nous sortons enfin de la forêt. Le soleil nous accueille. Le cadre est grandiose avec des aiguilles effilées, des glaciers, des arêtes.
Nous arrivons au col au terme de 2h de montée facile et régulière. De l’autre côté, nous découvrons l’impressionnant glacier Grey s’étendant à perte de vue. Il conduit tout droit jusqu’au Perito Moreno argentin. Encore un spectacle fantastique. Une première partie de descente à admirer le glacier avant de plonger dans la forêt jusqu’au campamiento Paso. Cette deuxième partie est un raide champ de boue dont le passage est plus ou moins facilité par des cordes, des rampes, des escaliers aux marches de géants ou encore les branches dépassant sur le chemin. La progression est lente, ponctuée de quelques glissades. Une inattention et c’est parti pour un peu de toboggan sur les fesses. Cette partie est une épreuve pour les genoux.
Après une petite pause bien méritée au Campamiento Paso, nous repartons pour le campamiento Grey. Le chemin est splendide et le soleil offre de belles couleurs. Nous longeons le glacier Grey qui s’arrête brusquement sur le lac du même nom. Deux belles passerelles suspendues rendent le parcours ludique. Nous achevons notre étape du jour à 15h sous un magnifique soleil et ciel bleu. Le cadre est chouette bien que nous sentons le retour à la civilisation. Nous avons en effet rejoint la partie la plus fréquentée du parc. Enfin, nous pouvons faire une sieste au soleil et faire sécher nous vêtements. Le bonheur !
18h, c’était trop beau, la pluie est de retour. Nous dînons puis filons au chaud.


Jour 4 : Viendra, viendra pas ?
20km, 620m D+, 440m D-, 6h

Premier réveil : 6h. Il pleut. Oh, non ! On se rendort. Aujourd’hui on a dit qu’on ne partait pas sous la pluie.
Deuxième réveil 7h. Il ne pleut plus. Le temps ne semble pas trop mal. On file avec tente et affaires sèches. Ça commence bien !
Le chemin longe le lago Grey, bleu gris, puis passe le long du lago Los Patos, bleu nuit, avant d’arriver sur le lago Pehoé, bleu turquoise. Les différentes nuances de bleu sont incroyables. Nous arrivons au campamiento Paine Grande, un grand complexe accessible depuis l’entrée du parc en catamaran. Il est moins charmant que les précédents.
Aujourd’hui un vent violent souffle. Il a nettoyé le ciel. Une journée entière sans pluie ?
Et non, l’après-midi est entrecoupé de plusieurs grosses averses. De nouveau les têtes dans nos capes d’invisibilité, nous continuons notre route le long d’un enchaînement de lacs jusqu’au Nordenskjold. Nous arrivons à 15h au campamiento Frances, une belle surprise. Il est tout récent. Aménagé dans une forêt en pente, les emplacements sont sur pilotis. Pas très pratique de clouer la tente mais c’est plutôt sympa/ Les sanitaires sont aussi propres et bien aménagés. Le top !
21h : hop, au dodo ! Il n’y a que ça à faire, le temps n’est pas favorable pour profiter d’une belle soirée d’été.


Jour 5 : On y croit toujours ?
8,5km, 480m D+, 480m D-, 4h

Bof. Des trombes d’eau s’abattent sur la tente. Cela devient une routine, mais on ne s’y habitue pas ! On attend un peu. Une accalmie se montre. Nous nous préparons et partons. Le plafond nuageux est bas. L’objectif du jour est de remonter la vallée de los Frances jusqu’au mirador Britanico. Un aller/retour.
Malheureusement, peu de temps après notre départ, une violente pluie arrive. Nous trouvons refuge sous l’abris exigu du campamiento Italiano. La pluie ne cessant et le froid commençant à se faire sentir, nous reprenons notre chemin. La montée sous la pluie et dans la brume est fastidieuse. D’autant plus qu’au fur à mesure de notre progression, la pluie s’intensifie puis se transforme en tempête de grêle. Après de longues hésitations sous cette météo hostile, nous décidons finalement de rebrousser chemin. La vallée est bien bouchée et il semble insensé de poursuivre trempés et frigorifiés dans ces conditions. Quelques minutes après avoir fait demi-tour, la pluie s’arrête et le soleil se montre au loin sur le lac. Encore de nouvelles hésitations. Mais la vallée est encore dans un épais brouillard et nous avons froid. Nous choisissons de rentrer. En bas de la descente, 15h, le ciel s’est complètement dégagé. Dommage, on s’est raté de peu. Nous n’avons pas fait le bon choix. Mais une longue pause dans une prairie au soleil avec un magnifique panorama sur les sommets aux alentours a permis de recharger les batteries avant de rejoindre le campamiento Francès pour une deuxième nuit. Ce n’était pas désagréable. Et une première longue soirée en extérieur. Tout fini par arriver !


Jour 6 : Aujourd’hui, c’est la bonne !
15km, 380m D+, 420m D-, 5h

Et non … réveil sous la pluie. Encore. Heureusement ça ne dure pas mais la journée sera nuageuse. Un joli sentier nous conduit jusqu’au refuge los Cuernos, serpentant tantôt dans la forêt tantôt au bord du lac Pehoé. Nous verrons les fameuses Cuernos, deux grandes faces de granit. Le chemin rejoignant le camping de l’Hostellerie Las Torres est moins intéressant. Ça sent la fin. Nous étant pris un peu tard pour la réservation des camping, nous avons dû revoir nos lieux d’étape. En particulier, il n’était initialement pas prévu de faire étape ici mais de monter directement au dernier campamiento avant las Torres. On est plus à quelques kilomètres près ! Nous apercevrons las Torres se découvrir en fin de journée. Elles sont grandioses. Vivement le lendemain pour les voir de plus près.


Jour 7 : Et le clou du spectacle …
20km, 940m D+, 940m D-, 6h

Dernière journée avec les fameuses Torres au programme, plutôt sympa pour un 24 décembre. Nous programmons un lever aux aurores pour rentrer avec le bus de 14h, sauf que … 5h, pluie. 6h, pluie. Nooooon ! 7h, un rayon de soleil. 9h départ. Le camping n’ayant pas voulu nous garder les sacs, nous les cachons un peu plus loin dans les broussailles. Et c’est parti avec un sac de fortune sur l’épaule pour 3h de montée efficace. Le sentier remontée une profonde vallée puis une seconde. Après une raide ascension finale, nous approchons notre but, quand le ciel se noircit et une pluie fine fait son apparition. Non pas encore ! Les Torres sont enveloppées d’un épais voile de brouillard. Nous trouvons refuge sous un rocher et attendons une éclaircie. Aujourd’hui, nous croyons à la chance ! Après une longue attente de 2h dans l’humidité, nous finissons par nous faire une raison. Les Torres resteront mystérieuse pour nous. La météo ne changera pas, nous redescendons jusqu’à l’Hostellerie Las Torres où nous réussirons à faire du stop jusqu’à l’entrée du parc. Retour avec le dernier bus à Puerto Natales. Arrivée prévue à 21h30. Suspense : ferons nous un réveillon de Noël à la soupe et à la purée (miam!) ou il y aura t-il une supérette ouverte pour un repas plus festif. Par chance, nous arrivons une demi-heure avant la fermeture d’une petite tienda, une des rares ouvertes à cette date et cette heure. Quel bonheur de manger un vrai repas au chaud !