L’eau – la goutte qui fait déborder le vase… 

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Bon appétit, bien sûr!

Si l’eau en Bolivie avait un compte Facebook, son statut serait sans hésiter: “C’est compliqué!”. Entre l’eau salée perdue au profit du Chili (une vieille histoire de Carnaval…troll inside), et l’eau “potable” qui s’est volatilisée du jour au lendemain… Pas facile tous les jours.

Tout d’abord, la notion d’eau “potable” est tout relative ici. Le pays n’a pas de stations d’épurations ni de véritables stations de traitement de l’eau. Comme dans la plupart des pays d’Amérique du sud, aucune de nos connaissances boliviennes ne boit l’eau directement au robinet. Ils la font bouillir. Et la plupart des expats, eux, achètent des bouteilles (vive le plastique, sauvez la planète qu’ils disaient). L’eau potable du robinet, la vraie, que nous avons en Europe, est un luxe d’une valeur inestimable!

Cependant, à en voir la couleur et l’état des rios dans le pays, on sent que la préservation des cours d’eau n’est pas une priorité. Souvent marrons et mousseux, les rios servent à tout. En premier lieu, d’égouts et de décharges. Mais aussi, ceux à l’apparence plus propre lorsqu’on s’éloigne un peu des grandes villes, constituent de véritables lieux de vie. On y fait en même temps sa toilette, la lessive, le lavage de son taxi ou son mini, un brin de baignade rafraîchissante ou encore un pique-nique dominical.

Bref, en Bolivie, la saison des pluies qui s’étend de décembre à février est censée remplir les reserves d’eau “potable” pour le reste de l’année. Sauf voila, entre les glaciers qui se font la malle et la pluie qui ne tombe pas en saison des pluies (2016 aura été la pire sécheresse depuis 25 ans)… on se doutait que la fin de la saison sèche allait être compliquée. Déjà depuis septembre, la télévision montrait les villes de Potosí, Sucre, Cochabamba, Oruro (4 villes parmi les 7 plus grandes du pays) en pénurie d’eau. Puis un beau matin de novembre, la moitié de La Paz s’est retrouvée sans une goutte d’eau au robinet… Nada… Après enquête des spécialistes du domaine, les réservoirs sont vides… La-la-la. Anticipation … Je ne crois pas que ce mot ait un équivalent en Bolivie. La compagnie de gestion des eaux n’a “rien vu venir“… Pas même le gouvernement n’avait été mis au courant à l’avance (c’est ce qu’ils disent à la télévision). Mais on peut toujours compter sur la réactivité des gérants en la matière : que les usagers coupés d’eau ne s’inquiètent pas, dans 3 mois, le problème sera reglé. Oui m’enfin, trois mois sans eau courante… Ca va pas être simple! Nous sommes début février, et la zone sud revient peu à peu “à la normale“, avec 3x1h matin/midi/soir d’eau par jour.

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“Bonjour EPSAS, Je voudrais me doucher, c’est possible ?”

Ironie du sort, ce sont les zones en contre-bas de La Paz, les plus riches, qui en pâtissent le plus. Vous savez, la riche Zona Sur avec jardins individuels aux pelouses bien entretenues et 4×4 toujours impecables… Ca leur a fait tout drôle de se lever à 5h du mat’ pendant 1 mois pour aller chercher, armé du plus grand récipient possible, de l’eau aux camions citernes. Vous savez, ces camions citernes, ceux qui transportent aussi l’essence… Vous mettez un papier dessus disant “AGUA”, et hop, c’est devenu un camion citerne avec une eau de première qualité, garantie (presque) sans plomb.

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Je lui trouve un petit gout spécial, à cette eau…

Evidemment, offre et demande allant de paire, les prix des bidons de récupération d’eau de pluie se sont envolés. Mais c’était sans compter sur l’extrême bonté et générosité  des organisateurs du Dakar. Avec la venue du Dakar en janvier, l’organisation de course à offert gracieusement à la Bolivie quelques tanks d’eau, pour la distribution dans les quartiers coupés d’eau… C’est sûr qu’avec les 4 millions de dollars US. payés par le gouvernement pour accueillir la course, les organisateurs pouvaient bien faire un geste… (mais chut, en Bolivie, il parait que le Dakar est venu gratuitement… enfin, c’est ce que dit la TV…). Ironie du sort (again?), certaines étapes du Dakar ont du être modifiées à la dernière minute, pour cause d’inondations…

Pour pallier à la pénurie d’eau, sur le court terme, le gouvernement a “provoqué des précipitations par réaction chimique dans les nuages”… enfin, c’est ce qu’il se dit à la télévision… et en première pages de plusieurs quotidiens. Le gouvernement est fier de cette opération, soi-disant réussie. Mes collègues avaient une autre vision de l’histoire:

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Réunion de crise chez EPSAS

Sur le long terme (oui parce que la danse de la pluie, ça va un moment), des projets de nouvelles retenues d’eau sont à l’étude. En effet, la Bolivie va devoir affronter un sérieux problème d’eau dans les années à venir. Le Lago Poopo, second lac du pays (environ l’équivalent de la partie bolivienne du lac titi-caca), a déjà “disparu” du fait d’une sur-exploitation de l’eau, laissant place à une espèce de salar blanchâtre, et à un cimetière d’animaux. La pollution croissance du lac Titi-caca avec le “tout à l’égout/rivière” d’El Alto n’améliore rien au schmilblick…

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Lago Poopo: C’est sûr que c’est plus facile de pêcher comme ça…

Le problème de fond semble difficilement solvable à long terme. D’un côté, les grandes villes boliviennes sont construites dans des zones extrêmement arides, et connaissent une forte croissance (et donc une demande grandissante en eau). De l’autre, les déficits de pluies risquent d’être récurrents dans le futur du fait du changement climatique. Puiser dans les nappes phréatiques profondes et imaginer des solutions palliatives de court terme ne sauvera pas le pays. Grand défit des prochaines années … Le constat actuel n’est pas très rassurant ….

PS : Pour l’histoire du Carnaval, voir l’article sur les relations boliviano-chiliennes (à venir)